• Dix ans après Xynthia : en finir avec le déni du risque ?

    Le 29 février 2010, la Vendée se réveillait en état de sidération : 29 morts à la Faute-sur-Mer, sans compter les 12 000 hectares de terrains submergés dans les zones côtières du département.

    L’ampleur de la catastrophe aurait dû balayer le déni quasi général des risques côtiers. Pourtant, au terme de la décennie qui vient de s’écouler, leur réalité n’est pas perçue partout, alors même qu’ils s’accroissent mécaniquement en raison d’une part de l’accélération de la hausse du niveau de la mer, et d’autre part d’un développement insuffisamment maîtrisé de l’urbanisation du littoral.

    Dix ans après Xynthia : en finir avec le déni du risque ?

    La Faute-sur-Mer affiche avec fierté ses digues réhabilitées. 

    L’avant Xynthia

    Les risques côtiers n’ont rien de nouveau. Pour ne s’en tenir qu’au XXe siècle, la côte vendéenne a connu des submersions en 1924, 1937, 1940, 1941 et 1957.

    Depuis 1987, la législation prévoyait que des plans de prévention des risques naturels (PPRN) identifient les zones exposées en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru et en interdisant les constructions là où ce risque s’avérait élevé. Dans l’estuaire du Lay bordé par La Faute et L'Aiguillon-sur-Mer, les élus et une partie de la population, confrontés à partir de 2001 à la perspective de ne plus pouvoir bâtir dans des zones à risque, firent preuve d’une résistance opiniâtre au point de bloquer l’élaboration d’un tel plan. Quant au reste du littoral vendéen, le sujet n’y était même pas envisagé.

    Dans la nuit du 28 au 29 février 2010, la tempête Xynthia a dépassé largement la cote d’occurrence centennale censée faire référence, occasionnant le drame de La Faute-sur-Mer. La plus grande partie du littoral vendéen fut aussi touchée par des phénomènes érosifs, par de multiples dégradations, par des brèches et des submersions.

    L’après Xynthia

    En février 2011, l’État publiait une « feuille de route » qui annonçait l’accélération des plans de prévention des risques littoraux au plan national : 242 nouvelles communes littorales, dont bien sûr l’ensemble du littoral vendéen, devaient être couvertes par de tels plans dans un délai de 3 ans.

    Les contestations les plus vives se sont alors élevées : mise en cause systématique des zonages qualifiés d’« excessifs », d’« irréalisme » ; procès en incompétence des services de l’État, revendication de pouvoir urbaniser à l’arrière des digues et condamnation de tout ce qui était perçu comme devant brider le développement des territoires concernés…

    Dix ans après Xynthia : en finir avec le déni du risque ?

    Dans sa contestation de la validité de la zone de chocs mécaniques par paquets de mer qui a conduit à classer en rouge la promenade littorale (le Remblai), la ville des Sables d'Olonne s'est pourvue en cassation devant le conseil d'État.
    Elle conteste également la pertinence des zones bleues et rouges du plan de prévention
    qui limite ainsi les possibilités d'urbanisation. (DDTM/Préfecture de la Vendée)

    L’exemple de l’île de Noirmoutier est à cet égard aussi révélateur que consternant : l’opposition au PPRN, entendue au plus haut niveau de l’État, a fait qu’on s’en est tenu au niveau marin observé lors de Xynthia. Refusant d’intégrer l’impact prévisible du changement climatique sur les côtes basses, les élus de l'île ont obtenu de minimiser les zones à risque fort de submersion. C’est ainsi que des constructions peuvent s’édifier aujourd’hui dans des zones initialement considérées comme devant être inconstructibles. La mise en révision de ce PPRN, inévitable et désormais urgente, sera d’autant plus douloureuse…

    La quasi totalité des plans de prévention a été jugée inacceptable par des élus, les chambres de commerce et d’agriculture et par des collectifs locaux porteurs d’intérêts économiques. Plusieurs ont été attaqués par des collectivités devant les juridictions administratives1. Le message ainsi adressé aux populations retarde la prise de conscience nécessaire.

    Mais que font les PAPI ?

    Si les élus locaux freinent devant les plans de prévention des risques, ils ne cessent de réclamer qu’on accélère les PAPI, autrement dit les programmes d’actions de prévention des inondations.

     Dix ans après Xynthia : en finir avec le déni du risque ?   À St-Hilaire-de-Riez, la plage des Becs est soumise à une érosion qui produit un recul du trait de côte. Des enrochements sont supposés protéger les immeubles en co-propriété édifiés dans les années 1970 par le promoteur Guy Merlin, mais ils sont à remanier et à renforcer après chaque tempête. Jusqu'à présent, on n'ose guère parler de relocalisation ; alors que c’est précisément la mauvaise localisation de ces constructions, de plus en plus menacées, qui est en cause. (D.R.)


    L’un et l’autre de ces outils mettent en avant le terme de « prévention », mais force est de constater que les seconds appuient très fortement sur le volet « protection » : 90 % des 101 M€ programmés par les 7 PAPI du littoral vendéen sont dédiés à des protections en dur. Ce « privilège donné aux travaux de génie civil2 » écarte toute réflexion sur les options de renaturation et en vue d’une recomposition spatiale des territoires littoraux là où cela pourrait s’avérer pertinent.

    Le littoral de la station balnéaire de La Tranche-sur-Mer est continuellement menacé par l'érosion marine. (D.R.) Dix ans après Xynthia : en finir avec le déni du risque ?



    Accélérer, mais dans quelle direction ?

    L’annonce d’une simplification des procédures aboutissant à la validation des PAPI ne doit pas rassurer ! Des exemples locaux ont montré qu’à vouloir aller vite, on prenait le risque d’erreurs dans l’analyse des effets, pas toujours bénéfiques, de travaux projetés. Et simplifier pour accélérer accentuera la dérive qui fait privilégier partout le génie civil sur les méthodes douces dont l’intérêt, y compris en termes économiques, doit être souligné.

    Ajoutons que mettre l’accent sur les seules habitations exposées aux risques est très insuffisant : celles-ci sont insérées dans des ensembles urbains comprenant des infrastructures routières, des réseaux et équipements publics divers (stations d’épuration, équipements sociaux et de santé, centres de secours...), des zones commerciales, etc., qui peuvent aussi être touchés par des submersions. C’est donc à une échelle large que le sujet doit être réfléchi, en portant à la connaissance du grand public la globalité des enjeux, en préalable à la concertation à laquelle il doit être associé.

    Les défis qui nous attendent ne seront pas relevés sans en finir avec le déni, encore trop répandu. Il s’agit d’aborder lucidement les mesures d’évitement ou de limitation des risques, sans penser uniquement que l’Océan n’aura qu’à bien se tenir face aux murs qu’on prétend lui opposer ! 

    • Retrouvez nos précédentes publications relatives à Xynthia et à ses suites.

    ________

    1 Recours tous perdus à ce jour.

    2 Évaluation du dispositif des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI) et de l’efficacité de sa mise en œuvre. Rapport CGEDD n° 012877-1 / IGA n° 19053R, octobre 2019.

    « Protection de l'eau contre les épandages de pesticides : une régression inacceptable« Zéro artificialisation nette », densification et documents d'urbanisme (PLU, SCoT) »
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