• Pour une meilleure gestion et protection du littoral vendéen.

    L’évolution naturelle du cycle des plages au cours des saisons est aujourd’hui perturbée sur une grande partie de notre littoral, faute ici à une digue, là à un enrochement ou un perré. Cette artificialisation du trait de côte par des ouvrages fixes a des effets dévastateurs. L’urgence de la situation érosive des côtes vendéennes est devenue visible de tous.

    Pour une meilleure gestion et protection du littoral vendéen.

    Les profils de plage alternent naturellement au fil des saisons.

    Le cycle des saisons est bien visible sur nos côtes, autant qu’en campagne ou en forêt. Les pins ne perdent pas leurs épines mais la plage et la dune changent, pour s’adapter aux humeurs hivernales de l’océan. En effet, les vagues, plus puissantes en automne, atteignent le bas de la dune et récupèrent les sédiments remontés pendant l’été sur la plage sèche. En automne, un nouveau profil de plage s’organise :

    • Les volumes sédimentaires de la plage sèche sont mobilisés pour alimenter les barres de tempêtes au large.
    • Les baïnes [1] sont plus profondes et plus larges, elles assurent le transport des sédiments vers le large et organisent les bancs de sable afin de réduire l’énergie de la houle.
    • Les courants se renforcent sous l’effet conjugué de la houle, des baïnes et des vents.

    Cette évolution naturelle du cycle d’une plage au cours des saisons est aujourd’hui perturbée sur une grande partie de notre littoral. Les barrières naturelles de défense contre la mer (barres de tempêtes) ne sont plus alimentées, les volumes sédimentaires du haut de plage sont trop faibles ou ne sont plus mobilisables, faute à une digue, un enrochement ou un perré [2].

    Le profil estival reste de type hivernal. En raison d’un manque de sable sur la plage sèche et faute donc d’un volume tampon suffisamment reconstitué, les risques de submersion augmentent. Aux coefficients moyens, l’ensemble de la plage est recouvert à marée haute et les vagues déferlent sur les ouvrages. Un véritable cercle vicieux d’érosion du trait de côte est constitué. Les « plagistes » ne peuvent plus profiter de leur solarium, les surfers, les pêcheurs se plaignent d’un estran trop plat, sans banc de sable de qualité, les élus tremblent à l’idée de ne plus pouvoir assurer la sécurité et le maintien des infrastructures aménagées sur la dune.

    Et maintenant ?

    • Les digues, les perrés, les épis [3] sont là. Ils sont renforcés à « coûts » de millions d’Euros chaque année alors qu’ils accélèrent les départs de sable à leur proximité. Sentir le sable s’échapper sous nos pieds dans le va-et-vient du ressac est certes un jeu très agréable ; nous aussi, nous nous enfonçons inexorablement jusqu’à être déstabilisés comme une digue.
    • Les opérations de transfert de sable effectués au printemps pour accélérer le retour des sédiments sur le haut de plage avaient donné l’impression d’un profil sain et des volumes sédimentaires suffisants, mais la réalité est là : le profil de plage est érodé et il doit alimenter ses bancs de sable pour l’hiver. Les prélèvements des tractopelles dans la zone intertidale [4], au printemps, pour recharger le haut de plage, accélèrent d’autant plus l’érosion de la plage sèche pour combler ces « trous ». Les enfants connaissent pourtant bien ce phénomène avec leurs seaux et leurs pelles pour protéger leurs château-forts !

    Résultat : il ne reste plus que la plage sèche pour alimenter le cycle naturel de construction des barres de tempêtes afin de limiter l’érosion des dunes et ralentir le recul du trait de côte.

    Face à leur mission de garants de la sécurité de la collectivité et de ses biens, nos élus se tournent vers les bureaux d’étude et autres entreprises du BTP, qui leur apportent les moyens d’une stratégie simple pour « protéger la valeur des biens et/ou garantir la sécurité de la collectivité » : financer de nouvelles études hydro-sédimentaires pour faire le bilan de la situation d’une année sur l’autre, payer des travaux de confortement des digues, des épis et des perrés, affouillés, déstabilisés après chaque hiver mais pourtant vendus comme inviolables.

    Les solutions sont toujours les mêmes : « stabiliser » artificiellement le trait de côte, ce qui accélère encore plus le départ des sédiments sur l’ensemble du linéaire aménagé ; recharger artificiellement pour retrouver du sable l’espace de quelques mois sur la plage…

    L’urgence de la situation érosive des plages vendéennes est devenue visible de tous. On crée des observatoires, des pôles de défense contre la mer. On observe, on étudie, pour mieux éduquer, informer, suivre l’évolution du trait de côte. On prévient sur la dune (ganivelles, délimitation des chemins d’accès, panneaux d’informations des usagers), on teste éventuellement des solutions d’ingénierie réputées plus souples, mais on n’agit toujours pas sur les causes de l’érosion. L’artificialisation du littoral par des ouvrages fixes (digues, épis, géotextiles, récifs artificiels) aux effets dévastateurs pour les plages alentour est toujours préconisée dans l’objectif de protéger et de défendre des activités socio-économiques. Finalement les plages, c’est l’été et pour le tourisme uniquement. On croise les doigts pour que les hivers soient cléments, pensant qu’il sera toujours temps d’agir en situation d’urgence ; mais c’est alors trop tard, le sable est parti, il ne reviendra plus.

    Et maintenant ? L’hiver arrive et les stratégies d’investissement, les stratégies de gestion et de protection du littoral restent identiques. Elles sont basées sur des analyses coûts/bénéfices qui ne prennent pas en compte la valeur de nos plages, de leur sable et de sa capacité de défense. Seules comptent la valeur de l’immobilier, celle des commerces ou la présence d’un port. La valeur socio-économique des biens et des équipements, l’ensemble des activités touristiques, sportives, culturelles et les prix de l’immobilier d’un secteur en bord de mer devraient être basés sur ses ressources sédimentaires, ses falaises et ses atouts naturels. Ce sont les vrais indicateurs de richesse d’un territoire, sans quoi les prix de l’immobilier et des activités socio-culturelles ne seraient pas si importants.

    Les solutions d’une bonne gestion sont là : les coûts/bénéfices des stratégies de protection du littoral doivent être calculés en fonction des volumes sédimentaires, de la qualité des profils de plage, de la protection des dunes et des falaises. Que devient la valeur d’un bien immobilier s’il n’y a plus de plage ? si les risques de submersion augmentent ? Nos élus, nos experts des bureaux d’études se trompent-ils de modèle économique ? Ils misent sur une stratégie de protection [5] de la bande côtière ignorant la valeur des plages et préparant la présence future d’une « muraille de Chine », ou encore la répétition de rechargements « peau de chagrin » exposés à l’humeur dévastatrice de l’océan.

    Bientôt il n’y aura plus assez de sable pour que tous continuent de faire ainsi l’autruche. Alors changeons de cap, soutenons des projets d’ingénierie côtière qui prennent en compte la valeur socio-économique des ressources sédimentaires locales et de les atouts naturels du littoral. Mobilisons-nous contre l’artificialisation de nos littoraux et posons cette question : sans plage, seriez-vous là aujourd’hui ?

    __________

    [1] Dépression temporaire se formant sur le sable de la plage.

    [2] Perré : mur, revêtementen pierres sèches qui protège un ouvrage et empêche les eaux de le dégrader ou les terres d'un talus de s'effondrer.

    [3] Épis : digue en pieux, palplanches, géotextile ou pierres que l'on dispose perpendiculairement au trait de côte pour retenir une partie du sable en transit.

    [4] Zone intertidale : appelée aussi « estran », c’est la zone de marnage située entre les limites extrêmes des plus hautes et des plus basses marées.

    [5] Définie dans des Programmes d’Action de Prévention des Inondations (PAPI).

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