• Affichage numérique : l’entrisme au Sénat d'un lobby qui voudrait restaurer son image

    Lors de la séance de questions orales du 5 novembre 2020 au Sénat, Madame Annick Billon, sénatrice de la Vendée, a adressé à la ministre de la Transition écologique un vibrant plaidoyer en défense des afficheurs numériques « aujourd’hui accusés de tous les maux (surconsommation énergétique, recours à des matériaux rares, pollution lumineuse, etc. »)1. L’argumentaire ? Il est tout bonnement celui des afficheurs, repris sans le moindre recul. Consternant !

    Affichage numérique : l'entrisme au Sénat d'un lobby qui veut restaurer son image

    Écran publicitaire numérique de 8 m2 à La Roche-sur-Yon.
    Le jargon des professionnels désigne ce type de publicité
    sous l'acronyme DOOH, pour Digital Out Of Home. Se voulant positive,
    leur communication parle plutôt d'affichage « dynamique »...

    Selon la sénatrice de la Vendée, l’affichage numérique « constitue une alternative écologique et positive à la prolifération des panneaux publicitaires papier à l’entrée des villes ». Mais les publicitaires eux-mêmes considèrent que les nouveaux dispositifs digitaux sont complémentaires des affichages traditionnels, auxquels ils ne substituent pas ; tout observateur attentif peut d’ailleurs en faire le constat…

    L’accent est mis sur le recours aux diodes électro-luminescentes (technologie LED) pour arguer d’une moindre consommation d’électricité. Mais le bilan énergétique total de ces types d’équipements à forte composante électronique est ignoré, ou tu. Or, la somme des flux et matériaux mobilisés (l’« empreinte matière ») ainsi que l’énergie cumulée que ceux-ci représentent, évaluées en kilos équivalents carbone (kg éqCO2), ne peut qu’être nettement défavorable en termes de budget carbone et d’empreinte écologique.

    De plus, la très forte croissance du nombre de panneaux publicitaires digitaux en France (+38 % entre 2017 et 2019. ADEME, 2020) pose nécessairement la question de la consommation cumulée d’électricité de ces dispositifs, allumés jusqu’à 18 h par jour. Le malheureusement classique « effet rebond » est ici caractérisé, qui fait que le gain en efficacité d’une technologie nouvelle est contredit par l’augmentation exponentielle de la consommation d’énergie résultant de son développement.

    Par ailleurs, le recours massif aux LEDs entraîne un accroissement de la pollution lumineuse. L’ANSES pointe des effets néfastes de la lumière la nuit sur la biodiversité et l’environnement : « Quel que soit l’écosystème étudié, les connaissances scientifiques montrent de façon convergente une augmentation de la mortalité et un appauvrissement de la diversité des espèces animales et végétales étudiées dans les milieux éclairés la nuit, y compris par des éclairages à LED. » (ANSES, 2020). Les LED présentes dans les affichages émettent de la lumière blanche et bleue qui perturbe substantiellement les rythmes biologiques, notamment des animaux nocturnes ; elles sont une des causes de la mortalité des insectes.

    Il est aussi à rappeler que face à la multiplication des objets à LED, l’ANSES alerte depuis plusieurs années sur les mécanismes de phototoxicité pour l’œil humain induits par ce mode d’éclairage.

    Sans même évoquer ici le marketing agressif et dénué d’éthique au service duquel tout ceci s’organise, la réalité, c'est que le lobbying des professionnels de la publicité par écrans numériques est très éloigné d’une stratégie de neutralité climatique et de limitation de notre empreinte écologique ; un objectif vers lequel l’ensemble des acteurs économiques et sociaux doit pourtant tendre impérativement et sans tarder.

    Madame la sénatrice dénonce vigoureusement les propositions de la convention citoyenne. Elle aurait tout lieu de se satisfaire au contraire qu’elles soient l’écho à la fois des revendications portées depuis longtemps par les associations de protection de l’environnement, et des mesures décidées par le Parlement depuis une dizaine d’années pour limiter la publicité et lutter contre la pollution lumineuse.

    ________

    1 Question orale n° 1336S de Mme Annick Billon

    « Le préfet de la Vendée condamné à mieux protéger l’eau vis-à-vis des pesticidesPlan « Vendée 100% fibre » : attention, risque d'atteintes aux haies ! »
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  • Commentaires

    1
    ALG
    Mercredi 25 Novembre 2020 à 13:29

    Bel article.

    Tu aurais même pu parler de leur entrisme à Fontenay le Conte, en plein ¨PNR, , à l'occasion de l'élaboration de leur RLP.

    L'occasion se reproduira...

    ALG

     

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